Le Temps Lyapunov

librement adapté de Satantango de László Krasznahorkai

Synopsis

Comme une manière d’ausculter le vide à partir duquel il serait possible de refonder une communauté, Le Temps Lyapunov explore le naufrage d’une humanité incapable d’être seule créatrice de ses propres vérités. D’abord, il y a un mort, le père, puis un second, la sœur. Entre ces deux désastres, le temps simple et cruel du partage, des décisions, de l’héritage, la bêtise des habitudes qu’on construit en famille et qu’on désosse ensemble. C’est alors que surgit l’élan du changement dont on croit toujours qu’il viendra du dehors : pour les trois frères, l’occasion du renouveau est trop belle pour ne pas être saisie. Ils s’en remettent entièrement à la sauveuse providentielle pour la promesse d’une nouvelle vie. L’affaire tourne court et le rêve se révèle être une belle arnaque. Dans ce conte d’aujourd’hui, les sauveurs ne sauvent plus, les vérités ne valent que par procuration et les utopies se monnaient comme des emballages, posant la question du devenir du commun dans un monde incapable de prendre en charge l’élaboration de ses propres « fictions suprêmes ».

Note de mise scène

En 2012, nous avons ouvert un chantier de création à partir d’une adaptation du Tango de Satan de Laszlo Krasznahorkai proposée par Frank Ferrara. Ce travail fut pour moi l’occasion de découvrir un auteur, une langue prête à épingler sur le vif les processus de décomposition et aussi une invitation à appréhender le collectif du point de vue de son manque utopique.
Pour ce projet, nous travaillerons à partir d'improvisations afin de donner la possibilité aux comédiens de mettre en œuvre de manière très personnelle les thèmes phares de l'œuvre de Krasznahorkai. À savoir : la défaillance du principe utopique, l'amnésie collective, la perte du sujet comme entité autonome, l'intensification du discours subjectif. Le travail du comédien constitue le point de départ de ce projet et nous voulons qu'il soit le premier moteur dramaturgique effectif. Dans ces conditions, l'univers esthétique ne peut être envisagé comme un élément séparé du travail des comédiens. Ce parcours des comédiens sera la sève de l'univers qui surgira des répétitions, certaines intensités seront peu à peu découvertes, transformées en métaphores, en images spécifiquement théâtrales. Parce que le théâtre me semble être encore un lieu de contradiction à l'uniformisation du regard sur le monde. Un lieu puissamment ouvert aux possibilités esthétiques à condition qu'elles ne se séparent jamais du corps poétique de l'acteur.

L'auteur

Né en 1954 à Gyula en Hongrie, László Krasznahorkai est l’un des écrivains contemporains hongrois les plus importants. Primée à plusieurs reprises, son œuvre a été traduite dans une douzaine de langues.
Des États-Unis au Japon, les critiques reconnaissent l'importance de son écriture. Susan Sontag le cite comme « le maître contemporain de l'apocalypse, qui inspire la comparaison avec Gogol et Melville ».
Il est l’auteur, notamment, de Tango de Satan (Gallimard, 2000), La Mélodie de la résistance (Gallimard, 2006), Thésée universel (éditions Vagabonde), Au nord par une montagne, au sud par un lac, à l’ouest par des chemins, à l’est par un cours d’eau (Cambourakis, 2010). Deux romans vont paraître en France en 2013, Guerre et guerre (Cambourakis) et Le Prisonnier de Urga (éditions Vagabonde).
Lié depuis de nombreuses années à Imre Kertész et György Kurtag, mais aussi Phil Glass et Kenzaburo Oe, László Krasznahorkai a par ailleurs écrit plusieurs films du réalisateur Bela Tarr, le dernier en date étant Le Cheval de Turin, qui vient de recevoir un prix spécial du jury à Berlin.