Henry VI

de Shakespeare

Synopsis

L'histoire commence en Angleterre à la mort d'Henry V et à l'avènement de son fils Henry VI âgé de neuf mois.
Henry V appartient à la légende glorieuse du passé. Le grand roi n'est plus qu'un cadavre, le nouveau roi n'est qu'un enfant autour de qui les antagonismes se réveillent. Alors que les dissensions désorganisent la Cour, les Français chassent l'ennemi anglais et Henry VI perd les conquêtes françaises de son père.
Dans son royaume, le roi Henry est menacé car son titre (transmis par les Lancastre) est contestable.
Henry IV, le fondateur de la dynastie Lancastre s'est emparé de la couronne en détrônant le souverain en titre, Richard II. Henry IV et Henry V ont su tenir en respect les divers prétendants à la couronne, mais les descendants de Richard II (famille d'York), spoliés, vont maintenant se révolter contre l'héritier d'Henry IV.
La famille d'York va se charger de faire payer à Henry VI la faute de son grand-père.
Henry VI est un roi pieux et raisonnable dont la bonté n'est que faiblesse aux yeux des fauves féodaux se disputant intérêts et fonctions quand ils ne construisent pas pièges et complots.
Renversement d'alliances, trahisons en tout genre, perfidie à tous les étages, Shakespeare nous livre une parfaite vision de l'entropie historique à un moment donné où l'Angleterre se constitue convulsivement en tant que telle.

Note de mise scène

Une pièce historique ?

12 000 vers, 100 actes, 120 personnages.
Des scènes d'une diversité étonnante.
Une matière théâtrale explosive, à la fois poétique et populaire, vorace et légère, noire et lumineuse. Une sorte de bal d'enfants cruels.
« Un jeu sanglant entre grands enfants cruels », disait Giorgio Strehler.
Notre objet ici n'est pas la réalité des événements de la Cour d'Angleterre du XVème siècle mais plutôt ce qui hante et ronge la haute sphère du pouvoir, la bête qui est en elle et les ravages qu'elle peut susciter.
Il s'agit pour nous d'accéder et de faire accéder le spectateur à la façon subjective dont l'Histoire est vécue, et d'explorer les conduites humaines dans leurs contradictions, leurs déraisonnables complexités.
Shakespeare nous parle de l'Homme. De sa grandeur et de ses échecs, de sa beauté et de sa noirceur. De l'être. Dans ses ambiguïtés et ses paradoxes.
Ainsi la mise en scène s'appliquera-t-elle à défendre tous les personnages. À nous de les aimer avec authenticité, les critiquer, les magnifier et les ridiculiser avec autant de ferveur et d'excès que de grâce et de subtilité. La conception égalitaire de la troupe permettra de tous les valoriser tour à tour et de compenser l'absence d'un « grand rôle ». Faire danser tous ces grands rôles avec audace et humilité, dans l'héroïsme le plus éclatant ou la bassesse la plus vile.
C'est le défi que nous voulons relever en nous attaquant avec détermination à tout ce qui serait univoque pour qu'au-delà du bien et du mal, seul le théâtre, grande fête jouissive, en sorte magnifié.

Montage dramaturgique

Le grand mécanisme de l'histoire s'abreuve bel et bien de sang.
C'est l'essence même de la mécanique intime de la guerre et de la violence.
Le sang est versé sur les champs de bataille, et les morts sont prédits par centaines ou milliers.
Le sang coule également au nom de la lignée. Il lie les pères aux fils et leur transmet leur titre.
Il est la sève de l'arbre qui peint les dynasties.
Le sang est à venger, le sang est à verser.
« Tu as tué mon père, alors meurt ! » (Henry VI, 3ème partie)
L'opposition vengeresse entre les êtres au nom de la lignée me semble être la manifestation la plus violente de la mécanique guerrière. Peut-être la plus inexorable.
C'est pourquoi, j'ai choisi d'axer notre pièce autour de la « Guerre des deux roses » qui oppose les dynasties York et Lancastre.

Coupons donc quasiment toute la première partie, les conquêtes et les pertes successives des territoires français et le lent déclin des valeurs héroïques de la chevalerie qu'elle dépeint.
Gardons-en comme prologue la scène phare des « deux roses » qui plante un réseau obscur d'alliances martiales et familiales et oppose les deux camps.
Et restons plutôt à la Cour d'Angleterre.
Rapprochons-nous de la Couronne.
Nous découvrons un roi pris dans un panier de crabes. Un véritable étau où l'oppresse autant sa propre lignée que celle de son ennemi.
Ici le souverain ne désire pas la guerre, mais son incompétence génère et attise toutes les convoitises.

Shakespeare dépeint remarquablement les méfaits de l'ambition malsaine et acharnée et décrit de manière plus troublante encore une autre forme de l'abus de pouvoir : une impuissante lâcheté et un pacifisme dévot.
Le pacifisme va entraîner la guerre. Pas question ici d'opposer les royaumes, ni de combattre pour la religion ou l'idéologie.
Ici les êtres combattent pour leur sang. Et ce jusqu'à la guerre civile qui plongera l'Angleterre dans le chaos.

L'auteur

L'influence de Shakespeare (1564 - 1616) sur le théâtre moderne est considérable. Non seulement Shakespeare a créé certaines des pièces les plus admirées de la littérature occidentale, mais il a aussi grandement contribué à la transformation de la dramaturgie anglaise, ouvrant le champ des possibilités de création sur les personnages, la psychologie, l'action, le langage et le genre. Son art poétique a aidé l'émergence d'un théâtre populaire.

Chez Shakespeare, Victor Hugo admire « une force démesurée, un charme exquis, la férocité épique, la pitié, la faculté créatrice, la gaîté, cette haute gaîté inintelligible aux entendements étroits, le sarcasme, le puissant coup de fouet aux méchants, la grandeur sidérale, la ténuité microscopique, une poésie illimitée qui a un zénith et un nadir, l'ensemble vaste, le détail profond, rien ne manque à cet esprit. On sent, en abordant l'œuvre de cet homme, le vent énorme qui viendrait de l'ouverture d'un monde. Le rayonnement du génie dans tous les sens, c'est là Shakespeare ».