Cul et chemise

de Jean-Marie Piemme

Nous sommes des acteurs

Connus et reconnus par leurs pairs il y a quelques années, c’est dans un appartement exigu, modeste, que le rideau s'ouvre sur Victor et Louis, deux frères, deux acteurs…
Ils sont à la dérive, englués dans un vide existentiel, oubliés des théâtres, dépassés par la nouvelle génération. Une joute verbale commence entre ces deux êtres que tout oppose, deux visions différentes de ce qu'est, et doit être l’art de l’acteur.
Comme deux ouvriers des planches, les mains dans la suie, parfois Shakespeariens, Tchékhoviens ou Beckettiens, ils s’acharnent à continuer d’exister, malgré la perte, le manque, les amours contrariés, le fantôme de la mère, le vieillissement, la haine des institutions et la nécessité de trouver du travail.
Mais lorsque ce duo se voit dans l’obligation d’accepter une étonnante mission artistique, tout bascule. Et la présence du Ministre de la culture n’arrangera pas les choses…
Jean Marie-Piemme joue sur les genres.  Son humour constant, sa tendresse et sa poésie offrent une liberté totale à l’acteur et au plaisir du spectateur. Pourtant il ne s’agit pas ici de ne parler que de théâtre, il est question de passion, de vocation, d’amour de son métier quel qu’il soit, de l'importance qu'on lui accorde, d'amour entre deux frères en perte de sens qui se déchirent pour mieux se retrouver au centre de la scène, et pouvoir crier à qui veut bien l'entendre...
« NOUS SOMMES DES ACTEURS »

Ce titre étonnant

Est-ce du lard ou du cochon ? Une provocation ? Un pastiche ? L’histoire d’une amitié ? Une aventure belge ?
Avant de commencer la lecture, notre imaginaire est déjà au travail. Mais dès la première page, il s’agit d’acteurs, deux frères…Victor et Louis, comme d’un autre temps.
Ils sont à la dérive, en perte de sens, englués dans un vide existentiel, oubliés des théâtres et  de l’institution, dépassés par la nouvelle génération.
Mais comme deux vieux boxeurs, ces deux poètes égarés, n’ont pas totalement baissé la garde, les gants prêts à être enfilés pour un retour tonitruant !

Après vingt ans de compagnie et une trentaine de spectacles nous sommes tout de suite saisis par ces deux personnages, qui nous ressemblent étrangement.
Parfois lassés ou défaitiste, parfois secoués d’un désir intact de faire du théâtre ; nous nous posons les mêmes questions que Victor et Louis.

Qu’est-ce que l’art ? Pourquoi le théâtre doit-il encore exister ?
Sommes-nous les derniers dinosaures d’une pratique obsolète ?
Comment et pourquoi, raconter les poètes, la rue ?
Quelle vision du monde peut offrir une boîte noire ?
Quel est le nouveau théâtre, quels sont les nouveaux espaces ? Les nouveaux moyens de production ?
Quelle est la frontière entre le théâtre privé et public ?
Quel est donc ce paradoxe d’avoir à se vendre tout en critiquant cette même industrie du spectacle ?
Les séries, la télé, la publicité ? Le théâtre parle-t-il d’autre chose que du théâtre ?
Quand doit-on s’arrêter ? Comment rester digne ?

Il y a d’abord

Il y a d’abord le rythme de la pièce, sa légèreté, ces fulgurances et l’étonnante vivacité combative des deux protagonistes qui tentent de se transformer l’un l’autre. Deux visions radicalement différentes du théâtre qui les divisent et les tiennent liés.

C’est un texte écrit pour les acteurs, écrit pour les spectateurs qui sont directement impactés dans la confrontation de ces deux points de vues ! Classique ou moderne ? Rideau rouge ou happening ? Alexandrins ronflants ou cris dissonants dans une cave entouré de quelques spectateurs peints en bleus ?
Nous aimerions, sans quatrième mur, donner corps, à ces deux pensées, ces deux solitudes qui s’acharnent à continuer d’exister, malgré la perte, le manque, les amours contrariés, le fantôme de la mère, le vieillissement…

Crise d’identité, aliénation sociale, capitalisme artistique ! Jean-Marie Piemme joue sur les genres. Tantôt réaliste, quotidien, tantôt autobiographique, son humour constant et sa poésie offrent une liberté totale à l’acteur, qui peut faire sien l’acte de se revendiquer ou non Artiste !

Comme deux ouvriers des planches, les mains dans la suie, parfois Shakespearien, Tchékhovien ou Beckettien. Ils sont nés pour être acteurs, exaltés à l’idée de faire encore une entrée, comme une seconde jeunesse, pouvoir de nouveau se sentir vivants.

Nous voudrions proposer

Nous voudrions proposer un espace ouvert, frontière entre la cage de scène et le minuscule salon où vivent ces deux frères.
Comme pour dire, ils sont chez eux, ils sont au théâtre. Les spectateurs dans leur salle à manger, invités à partager les abysses de Victor et Louis. La télévision sans le son, du champagne, un portrait de Buster Keaton, une table pour grignoter, deux chaises sans âge, un fauteuil, le plancher d’un vieux dancing…
Nous sommes peut-être dans leur loge à l’opéra, attendant le fantôme du père d’Hamlet ou du commandeur qui répondra à Louis à la fin de la pièce « tu es un acteur ».
Non, c’est le metteur en scène présent qui joue avec ses comédiens, relance, dirige, écoute la comédie de la vie…
C’est la tendresse et l’amour pour leur métier, même s’ils en sont empêchés, qui nous a bouleversés.

Nous avons pensé à Michel Piccoli, Bertrand Blier, Laurent Terzieff, Antoine Vitez, Claude Sautet, Roger Planchon, Michel Bouquet, Patrick Dewaere, Antonin Artaud, Serge merlin, Jerzy Grotowski, le Living Theatre, Marcel Duchamp, Thomas Bernhard, Michel Vinaver, Becket, Pirandello, nous avons pensé aux clowns, à l’odeur du parquet, et le souffle dans la salle quand le rideau s’ouvre…

Quand il s’ouvre sur l’une des dernières expériences collectives proposées. On sort de chez soi. On s’assemble. Spectateurs et acteurs vibrent ensemble. Ce n’est pas rien.
Nous aimerions en montant cette pièce transmettre notre amour du théâtre et des acteurs ! Cette passion à décortiquer les relations humaines…Donner la part belle au dérisoire, au petit, à l’ennui, à la peur du vide ! Donner toute la puissance de vie de ces deux personnages qui jouent à être des acteurs qui jouent à essayer de ne pas jouer, qui tentent maladroitement d’être des hommes pour appréhender ce monde dans lequel ils survivent, une allumette toujours proche d’un bidon d’essence.